Je me suis pris un bus
« Tu as vu
ce qu’il s’est passé en France ? »
« Il y a eu
une fusillade à la rédaction de Charlie Hebdo, il y a 12 morts dont Cabu »
Je me suis pris
un bus. C’est ce que je ressens.
De quoi parle-t-on ?
C’est une blague ? Qui ,quoi, comment ?
J’apprends ainsi
que pendant mon sommeil à 20 000km de là, des individus se sont introduits au
sein des bureaux de Charlie Hebdo et ont tiré, comme ça, laissant derrière eux des morts, des blessés, une tragédie et un
pays sous le choc.
Certes de ma
petite ile au milieu du pacifique tout ça semble loin…et pourtant…
Je me suis pris
un bus.
Je n’ai jamais
été fan de Charlie Hebdo, rien contre, rien pour…. Parfois choquante, parfois
juste, la liberté d’expression doit être respectée, c’est de là que toute liberté puise ses
fondamentaux.
Et Cabu….toute ma
génération a grandi avec Cabu et ses dessins..75 ans, continuer à caricaturer
avec finesse les traits de notre société…75 ans…et mourir dans un bain de sang
causé par deux fanatiques revendiquant des actes au nom d’une religion qui ne
voudrait pas de ça.
Ma première
réaction est pour les musulmans. Ils vont être les victimes collatérales
de cet acte insensé.
Je n’ai pas de
dieu, je ne crois pas en dieu, je préfère croire en l’homme même si c’est de
plus en plus difficile.
J’ai partagé ma
vie pendant quelques années avec un musulman. J’ai appris à connaître et respecter
cette religion, j’ai appris l’arabe et je me suis intéressée à une culture et une religion qui fait si
peur aujourd’hui. Alors oui, ma première crainte a été pour ces millions de
musulmans qui font les frais au quotidien de ces barbaries ignobles perpétuées
par des sans-cerveaux en manque de guide de vie.
L’amalgame serait si facile.
Je me suis pris
un bus.
Je me lève, j’allume
la télé et la chaine infos…et je découvre…les images, les interviews, l’horreur.
Les larmes m’en coulent sur les joues. Je ne sais pas pourquoi. Où sommes-nous ?
Que se passe-t-il ? La France, berceau des droits de l’homme, une rédaction
de journal…je pense à ces gens évidemment, morts au nom de leurs idées et n’ayant jamais blessé physiquement
personne, et je pense à ma famille et mes amis, qui vivent en France, loin..j’ai
peur…parce que je ne comprends pas cette violence que j’ai du mal à accepter.
C’est donc véritablement
arrivé.
Je vis à Tahiti,
à 20 000km de Paris. Sous mes cocotiers et ma plage dorée, la vie est d’un coup
moins douce.
Je me suis pris
un bus.
Alors quoi ?
Depuis des mois et des mois on sent la violence monter en France, ce racisme prendre
racine, cette haine latente…et puis le 7 janvier 2015.
J’ai peur des
amalgames, j’ai peur que tout ça éclate. Et pourtant la peur, c’est ce qu’ils
veulent…qu’on ait peur…qu’on se divise, qu’on se sépare… Alors j’essaie de
lutter mais comment ne pas craindre en étant si loin, pour ses proches, pour ce
pays que l’on a quitté mais qui reste toujours son pays.
On quitte son
pays pour plusieurs raisons, mais au fond de nous on garde les valeurs qui nous
ont construits.
Liberté, égalité, fraternité.
Trois mots qu’on nous a appris, expliqués, répétés. Trois mots qui nous ont faits et auxquels on croit…et qu’on espère un jour pouvoir toujours répéter à nos enfants et aux enfants de nos enfants et en garder toute leur signification. Le terrorisme a touché la France au plus profond de ses valeurs aujourd’hui.
Liberté, égalité, fraternité.
Trois mots qu’on nous a appris, expliqués, répétés. Trois mots qui nous ont faits et auxquels on croit…et qu’on espère un jour pouvoir toujours répéter à nos enfants et aux enfants de nos enfants et en garder toute leur signification. Le terrorisme a touché la France au plus profond de ses valeurs aujourd’hui.
Je me suis pris
un bus.
Je travaille dans
une radio. Non je ne suis pas journaliste mais mon boulot m’amène à bosser dans
le bureau de la rédaction de temps en temps. Je réalise. Même si à mon échelle
nous sommes très loin de ce qu’il s’est passé, je frissonne à la comparaison. J’imagine
la terreur de ces gens voyant surgir deux hommes en noir et tirer…tirer..et
partir laissant derrière eux l’impensable.
Je suis Charlie.
Dans quel monde peut-on
accepter ça ?
Je suis de nature
râleuse oui, en fait je suis une révoltée. Révoltée contre l’injustice que j’ai
beaucoup, beaucoup de mal à supporter.
Alors mes larmes
doivent venir de là, comment peut-on en 2015 en arriver là ? Comment 12
personnes bossant dans un bureau parisien peuvent elles être tuées pour un coup de crayon ?
Je me suis pris
un bus.
Ce qui me rassure
c’est l’élan de solidarité qui a immédiatement suivi. « Vous croyez avoir
mis la France à genoux, vous l’avez mise
debout. » Je lis, je vois les dessins en réaction qui
foisonnent sur la toile. Ça me rassure. Je crois en l’homme, j’espère.
Que va-t-il se
passer maintenant ? Je n’en sais rien. Je ne suis pas analyste politique,
voyante, professeur ou énarque.
Non.
Je suis Charlie.
Je crois en l’homme
et le sang ne gommera rien, ni le passé,
ni le futur.
Tes mots sont justes, les miens ne sortent pas ! ! ! PPN
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